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La classe de Théophile Laforge au Conservatoire (1894-1918) par Frédéric Lainé


La classe de Théophile Laforge au Conservatoire (1894-1918) par Frédéric Lainé


(Article publié dans le bulletin des Amis de l'alto n°23 en décembre 1997)


La classe d’alto a été créée au Conservatoire par l’arrété ministériel du 8 août 1894, nommant Théophile Laforge, âgé de trente et un ans, professeur à compter du 1er octobre suivant avec un traitement de 1500,00Frs par an.


Cette événement bien tardif, si l’on considère le siècle (99 ans exactement) qui le sépare de la mise en place au Conservatoire des classes de violon et de violoncelle et les soixante-sept ans d’existence de celle de contrebasse créée en 1827, s’explique aisément par la situation bien particulière de l’alto, instrument longtemps assimilable au violon et qui avant la fin du XIXe siècle n’est pratiquement jamais considéré comme une spécialité.


Pourtant la présence d’un enseignement spécifique de l’alto au Conservatoire semble nécessaire à un visionnaire comme Berlioz qui écrit dans la Revue et Gazette musicale dès le 20 août 1848:


Il est fâcheux qu’on n’ait point de classe spéciale d’alto. Malgré sa parenté avec le violon, cet instrument pour être bien joué, a besoin d’études qui lui soient propres et d’une pratique constante. C’est un déplorable, vieux et ridicule préjugé qui a fait confier jusqu’à présent l’exécution des parties d’alto à des violonistes de troisième force. Quand un violon est médiocre, on dit “il fera un bon alto”. Raisonnement faux au point de vue de la musique moderne, qui (chez les grands maîtres du moins) n’admet plus dans l’orchestre des parties de remplissage, mais donne à toutes un intérêt relatif aux effets qu’il s’agit de produire et ne reconnaît point que les unes soient à l’égard des autres en état d’infériorité.


Il faut attendre la création d’une commission chargée de la réorganisation du Conservatoire (4 février- 3 août 1870) pour qu’une création de classe d’alto soit à l’ordre du jour. Lors de la 19e séance du 5 juillet, le compositeur et musicologue belge François-Auguste Gevaert appuyé par le prince Poniatowski demande l’ouverture d’un enseignement de l’alto. Trois propositions quant à la répartition des classes de violon et d’alto sont alors discutées par la commission:


1) Il y a quatre classes de violon et une classe d’alto faite par un professeur d’alto

2) Il y a trois classes de violon et une classe de violon et d’alto

3) Il y a quatre classe de violon et d’alto avec un prix spécial pour l’alto.


La commission adopte en premier la troisième proposition avant de se rétracter lors de la séance suivante et de choisir définitivement la première, soit une classe indépendante d’alto.


Cet événement va déclencher un réelle polémique et les réactions négatives s’expriment par voie de presse. Le critique Arthur Pougin se lance dans les colonnes du Ménestrel (17 juillet 1870) contre ce qu’il semble considérer comme une absurdité:


Pourquoi faire? et je répète, pourquoi faire? à quoi servirait une classe d’alto? Car pour ceux des membres de la commission qui ne le sauraient pas, il faut bien déclarer que le mécanisme de l’alto ne diffère absolument en rien du mécanisme du violon, les trois choses qui différencient les deux instrument sont celles-ci :


1) L’alto est un peu plus grand que le violon et nécessite sur les cordes, un écartement des doigts un peu plus considérable. Mais le violoniste qui n’aurait même jamais touché un alto se rendrait compte de ce fait au bout de quelques heures de pratique et jouerait aussi juste que sur un violon


2) Par suite du format un peu plus grand de l’instrument, l’archet doit mordre les cordes avec plus de puissance et de fermeté afin que le son ait toute l’ampleur voulue. Même observation que ci dessus.


3) Tandis que la musique de violon est écrite sur la clé de sol, la musique d’alto est écrite sur la clé d’ut troisième ligne. Ceci, on le voit, ne touche en rien au mécanisme de l’instrument et il n’est aucun de nos jeunes violonistes qui d’ailleurs ne soit capable d’exécuter couramment cette transposition et bien d’autres. Donc, à quoi bon je le répète encore, une classe d’alto? Tous les violonistes jouent de l’alto sans s’en douter, comme Mr Jourdain faisait de la prose et le jour ou le hasard leur en met un entre les mains, ils se trouvent en pays de connaissance...


Pourtant, tous ne partagent pas cette négation d’une pédagogie de l’alto. Louis-Antoine Vidal dans son important ouvrage sur Les instruments à archet (Paris, De Claye, 1876-78) note : c’est avec une peine sincère que nous signalons l’absence d’une école d’alto dans la belle organisation instrumentale de notre conservatoire de Paris. Quels que soient les raisons de cette lacune regrettable, nous ne saurions les approuver. L’alto possède un timbre à part, d’une nature toute particulière et des études spéciales sont nécessaires pour faire un altiste. Un violoniste bon musicien jouera facilement de l’alto, mais il sera insuffisant pour tirer de l’instrument tout l’effet dont il est susceptible.


D’ailleurs, en 1878, nous lisons avec surprise dans l’Art musical du 14 février : La création d’une classe d’alto au Conservatoire est résolue. Le professeur désigné est M.Mas, altiste d’un talent éprouvé. Joseph-Marie Mas (1820-1896), alto solo du théâtre italien avait fait en effet une très belle carrière de quartettiste dans le quatuor Maurin (1852-58) et dans le quatuor Armingaud (1860-67) aux cotés d’Edouard Lalo, alors second violon.

Erreur d’information? contrainte budgétaire? Lors du décret du 11 septembre 1878 qui porte sur la réorganisation de l’enseignement au Conservatoire, nous ne trouvons aucune trace concernant l’alto. En revanche, le Conservatoire royal de Bruxelles dès 1877, montre l’exemple en confiant un enseignement de ce type à Léon Firket. Il faut attendre 1893 pour qu’un nouvelle commission parisienne (19 mars-23 mai) prône une nouvelle fois la création d’une classe d’alto, revendication enfin couronnée de succès un an plus tard. A Mas, âgé alors de soixante treize ans, on préfère Théophile Laforge qui se charge d’imaginer ce nouvel enseignement.


Formation et carrière de Théophile Laforge


Né à Paris, le 6 mars 1863, Théophile Laforge est admis au Conservatoire dès l’âge de quatorze ans dans les classes de solfège d’Albert Lavignac et de violon préparatoire de Jules Garcin. Après avoir obtenu dans ces deux disciplines une première médaille en 1879, il intègre la même année la classe supérieure de violon d’Eugène Sauzay où, après sept années d’études, il obtient un brillant premier prix en 1886.


Ses professeurs ne tarissent pas d’éloges sur leur élève. Lavignac note le 16 janvier 1879 (Rapport des professeurs aux examens semestriels, Archives du Conservatoire, Archives nationales AJ37/286) : travaille très sérieusement et m’inspire beaucoup de confiance. c’est le meilleurs de mes élèves actuels. Eugène Sauzay le juge excellent musicien, habile exécutant, doué d’une nature intelligente et fine et justifie la longueur de sa scolarité en indiquant en 1886 : Très assidu à la classe mais d’une nature un peu nerveuse, ce qui lui a nui dans les derniers concours. (AJ37/290)


Nous pouvons observer à quel point la formation de Laforge s’inscrit dans la plus pure tradition de l’école française de violon. Eugène Sauzay (1809-1901) est élève au Conservatoire de Pierre Baillot (il obtient son premier prix en 1827). Il est aussi son gendre et l’un de ses meilleurs disciples. Il tient d’ailleurs la place de second violon (1832-36) puis d’alto (1837-1840), succédant à Chrétien Urhan au sein du quatuor Baillot, première formation professionnelle française de ce type. Eugène Sauzay laissera une importante réflexion sur son expérience de violoniste et de chambriste dans trois ouvrages: Haydn, Mozart, Beethoven, étude sur le quatuor (Paris, 1861), L’Ecole de l’accompagnement (Paris, 1869), et Le violon Harmonique (Paris, 1889). Jules Garcin (1830-1896), élève de Delphin Alard (lui même élève d’Habeneck) est, quant à lui, l’auteur d’une des rares oeuvres françaises concertantes pour alto et orchestre de la seconde moitié du XIXe siècle, un Concertino op.19 , composé et édité chez Lemoine en 1878 (créé par Mas, le 7 juin 1878, à Paris dans la petite salle de concert du Trocadéro).


Ainsi Sauzay et Garcin sont loin d’être étrangers à l’alto (comme une grande part des violonistes du XIXe siècle). On peut observer enfin que Laforge lui-même, au Conservatoire, a l’occasion de pratiquer l’alto au sein de la classe d’ensemble instrumental. Grâce à cet enseignement, mis en place à partir de 1848, bon nombre de violonistes deviennent des altistes occasionnels dans des quatuors ou des quintettes et s’initient ainsi à l’instrument.


À l’observation de la formation instrumentale reçue par Laforge, nous pouvons dresser ainsi une véritable filiation des altistes français:




Admis comme violoniste à l’opéra dès 1886, Théophile Laforge en devient l’alto solo en 1887 et occupe la même année cette fonction à la Société des concerts du Conservatoire. Laforge garde toutefois une activité de violoniste dans le domaine de la musique de chambre. Ainsi, en 1894, l’année de sa nomination au Conservatoire, il joue le 6 mars dans deux séances organisées par ses soins, la partie de violon de la Sérénade op.8 de Beethoven (Pierre Monteux, tenant l’alto) et les sonates pour violon et piano de Grieg et de Rubinstein puis, comme altiste le 20 mars les Sept dernières paroles du christ de Haydn en quatuor et le Quintette K.581 avec clarinette de Mozart.


Laforge semble toutefois avoir donné la priorité à ses nouvelles responsabilités d’enseignant. A sa nomination au Conservatoire, il va alléger une partie de ses activités d’instrumentiste, démissionnant de son poste de soliste de l’orchestre de la Société des concerts le 28 mai 1895. Officier d’académie en 1888, Officier de l’instruction publique en 1900, Il décède d’une courte maladie le 31 octobre 1918, à son domicile du 59 rue Condorcet. Nombreux sont ceux qui témoignent de sa dévotion à sa classe et de son investissement personnel dans son rôle de pédagogue.

Gabriel Fauré le juge comme un artiste de grande valeur, un professeur du plus haut mérite auquel on doit la création au Conservatoire d’un enseignement de l’alto et qui a formé de nombreux et excellents élèves devenus des artistes remarqués.(lettre 7/12/1918, AJ37/70 )

On ne peut douter du sérieux et de la conscience professionnelle d’un homme qui écrit le 13 mars 1899 au secrétaire général du Conservatoire: Cher Monsieur, me voila remis sur pied, ce n’est pas malheureux. Je reprendrai la classe au Conservatoire, Mardi. Je l’ai faite cette semaine chez moi, pour ne pas laisser trop longtemps mes élèves sans conseils.


Position face à l’instrument


Laforge n’imagine pas l’étude de l’alto sans préalables violonistiques. Il indique clairement dans un texte rédigé pour l’Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire de Lavignac et La Laurencie (Paris, Delagrave 1913-1931):


Cet instrument doit être joué par des violonistes car il faut toujours commencer par jouer du violon avant d’entreprendre le jeu de l’alto. Il ajoute : On peut débuter néanmoins par l’alto, mais le travail sera plus lourd et le sujet aura la virtuosité pénible. A l’image de certains aspects de sa propre carrière, il précise une position intéressante et bien significative de l’étroitesse des rapports entre violonistes et altistes en ce début de siècle jugeant que les deux instruments peuvent se cultiver en même temps. L’un et l’autre s’aident réciproquement contrairement à l’idée préconçue que l’on se fait souvent que , l’écartement des doigts de la main gauche étant différent sur les deux instruments, ces deux études menées de front peuvent se nuire l’une à l’autre au point de vue de la justesse. L’expérience et la pratique prouvent qu’il n’en est rien.


On notera que cette opinion n’est pas nécessairement partagée par l’ensemble des violonistes. Ainsi Henri Berthelier note à propos de son élève Pierre Monteux lors d’un rapport le 12 janvier 1895 (AJ37/ 294): S’est livré presque complètement à l’alto, ce qui forcément nuit au violon.


Laforge souhaite fixer les dimensions encore souvent fluctuantes de l’instrument:


On voit des altos de 38 centimètres, de 38 1/2, 39 , 39 1/2, 40....jusqu’à 42 cms (nous entendons par ses mesures la longueur de la table de résonance). Cela montre les tâtonnements des luthiers jusqu’à ce jour. L’instrument était peu en honneur autrefois et très peu travaillé....La longueur de la table de 40 cms semble être parfaite (dernier modèle officiel du Conservatoire). C’est le juste milieu. Le timbre est bien caractérisé, l’émission du son remarquablement facile et, qualité indispensable et très appréciable pour l’exécutant, on peut jouer dans ces conditions, l’alto avec facilité. Le déman ché est plus pratique et se rapproche du démanché du violon. On peut faire sortir avec plus de clarté les traits de l’instrument, qui, de nature est un peu sourd.


Concernant l’archet , il poursuit: On jouait autrefois de l’alto avec un archet de violon lourd. On adopta ensuite un archet d’alto plus court que l’archet de violon et plus lourd. On fabrique maintenant des archets spéciaux qui sont parfaits car la mèche de l’alto doit être plus large que celle de l’archet de violon, la baguette de même longueur que ce dernier, mais plus forte, plus lourde et plus résistante.


L’ensemble des élèves ne semblent pas respecter à la lettre ces beaux principes. En effet, Henri Maréchal, dans un rapport au conseil supérieur d’enseignement du Conservatoire sur les classes de cordes, à la suite de l’examen de 1917 (Arch.Nationales, F21/4603), indique:


Quelques élèves poursuivent leurs études sur des instruments trop petits qui ne sont ni des violons, ni des altos. Il y aurait un sérieux intérêt à ne pas admettre cette sorte de compromis, qui transporté à l’orchestre en détruit l’équilibre par une sonorité défectueuse. Dans une classe aussi belle, quelques soient les préférences des élèves, il faut se résigner à jouer de l’alto sur de véritables altos.


Il faut noter que le problème se pose alors depuis plusieurs années, à tel point que les artistes engagés dans les dernières années du XIXe siècle à l’orchestre de l’Opéra de Paris, ajoutent à la fin de leur contrat un engagement à jouer un alto "grand patron".


Le répertoire de la classe


Les archives du Conservatoire, conservent les rapports des examens semestriels où Laforge note consciencieusement le détail des programmes de l’épreuve: en général, pas de pièce unique imposée pour tous, mais un éventail d’oeuvres qui nous donne une idée assez juste du répertoire travaillé à la classe.


En ce qui concerne les compositions originales pour alto, peu d’oeuvres antérieures à 1850 sont utilisées par Laforge. Concertos de Stamitz, Rolla et Giuseppe Ghébart sont programmés avec une grande parcimonie. Henri Vieuxtemps, avec son Elégie et son Cappriccio pour alto seul est également peu représenté. En revanche six pièces dont pour les cinq premières, la publication a précédé de quelques années la création de la classe du conservatoire reviennent sans cesse dans la composition des épreuves et semblent être spécifiques de la vision de Laforge du morceau de concours:


- Concertino pour alto et piano de Jules Garcin (1878)

- Concertstück pour alto et piano de Léon Firket (1878)

- Concertino pour alto et piano d’Auguste Kiesgen (1885)

- Concertino op.7 pour alto et piano d’Heinrich Arends (1886)

- Concertstück op.20 pour alto et piano de Jenö Hubay (1893)

- Concertstück op.46 pour alto et piano de Hans Sitt (1899).


Laforge va susciter l’écriture d’oeuvres nouvelles, composées dans l’optique du concours de fin d’année et qui seront aussi abondamment utilisées au sein du travail interne à la classe. Ainsi sur les quatorze pièces imposées pour les prix entre 1894 et 1918 , dix lui sont dédiées (soulignées dans la liste):


1896 : Concertstück de Léon Firket

1897 : Concerto romantique de Paul Rougnon

1898: Concertino op.7 de H.Arends

1899: Concertstück op.46 d’Hans Sitt.

1900: Caprice de Charles Lefèvre

1901: Concertino op.7 de H.Arends

1902: Fantaisie de concert de Paul Rougnon

1903: Concertstück de Léon Firket

1904: Morceau de Concert de Léon Honnoré

1905: Chaconne d’Henri Marteau

1906: Fantaisie de concert d’Hélène Fleury

1907: Concertino op.7 de H.Arends

1908: Concertstück de Georges Enesco

1909: Poème d’Eugène Cools

1910: Appassionato d’Henri Büsser

1911: Morceau de concert de Léon Honnoré

1912: Concertstück de René Jullien

1913: Concertstück de Georges Enesco

1914: Caprice de Charles Lefèvre

1915: Appassionato de Büsser

1916: Allegro Appassionato de Paul Rougnon

1917: Concertino op.7 de H.Arends

1918: Poème d’Eugène Cools


Laforge utilise un assez grand nombre de transcriptions dont en premier lieu naturellement des adaptations du répertoire de base utilisé dans les classes de violon du Conservatoire: Concertos n°22 et 29 de Viotti, Concertos n° 1, 4, 7 et 8 de Rode, Concertos n°13 et 19 de Kreutzer, Concerto n°7 de Charles de Bériot. Néanmoins, il ne semble pratiquement plus utiliser ces arrangements au delà de 1900, estimant sans doute que les nouvelles compositions pour l’alto comblent le vide technique du répertoire. Les Sonates et partitas de Bach sont très rarement utilisées (un cas rare, Melle Coudard qui présente aux examens semestriels en 1903 une fugue et en 1904, la Chaconne). Notons que la transcription du Concerto pour clarinette de Mozart est régulièrement programmé entre 1896 et 1906 et celle du 1er concerto pour violon de Max Bruch entre 1895 et 1909. En revanche, les transcriptions du violoncelle semblent être appréciées et conservées par Laforge pendant la totalité de son enseignement, en particulier le Concerto en ré mineur de Lalo ou le 1er Concerto de Saint-Saëns dès que René Pollain en publie la transcription en 1903.


Laforge va lui-même participer à cette création d’un répertoire en publiant des Gammes pratiques pour l’alto (Costallat, 1908), la révision des Vingt-quatre études pour alto de Martinn (Costallat, 1900) et la transcription pour l'alto des Études harmoniques pour violon de son maître Eugène Sauzay.


Les concours


Les effectifs des concours d’entrée de la classe d’alto restent pendant les premières années d’existence de cet enseignement bien modestes: de quatre candidats en 1902 à vingt en 1911, la moyenne entre 1901 et 1914 est de 13 altistes (pendant cette même période, la moyenne pour le violon est de 198, pour le violoncelle de 45 et pour la contrebasse de 10). La majorité des candidats se sont déjà présentés en classe de violon. Les morceaux de concours choisi par les élèves restent assez proches du répertoire utilisé par Laforge au sein de sa classe. Le Concertstück de Sitt et le Concertstück de Firket restent les pièces de référence, suivies par Kiesgen, Honnoré et les oeuvres de Paul Rougnon.


Le premier concours public de la classe d’alto a lieu le 20 juillet 1896. Arthur Pougin qui en publie le compte-rendu dans le Ménestrel note que cette classe d’alto est de création récente et qu’elle est aux mains de M.Laforge, un des plus brillants prix de violon du Conservatoire. Enfin les altophiles seront satisfaits et le Conservatoire possède aujourd’hui une classe d’alto qu’on ne saurait placer en de meilleures mains que celles de M.Laforge.

Il ajoute perplexe : Je crois bien que M.Laforge préférerait avoir une classe de violon....enfin!


Vient le détail de l’épreuve: Point de premier prix pour ce concours, mais deux seconds prix attribués à M.Denayer et Henri Brun. M.Denayer est assurément supérieur à tous ses camarades. Il a de bons doigts, un archet facile, une grande justesse et une rare sûreté d’exécution. Avec cela un heureux phrasé et le sentiment du style. Ensemble excellent et lecture irréprochable. Sa supériorité est telle que je suis surpris qu’on ne lui ait pas donné le premier prix. Je regrette de n’en pourvoir dire autant de M.Henri Brun dont le jeu est lourd, sans grâce, l’exécution petite, incomplète, l’archet savonneux avec des doigts insuffisant. Je crois que ce jeune homme peut acquérir en travaillant les nombreuses qualités qui lui manquent, mais il a bien besoin de travailler.....


Et l’auteur de conclure en un ultime persiflage: Et maintenant vive la classe d’alto qui ne sera autre chose qu’un déversoir pour les jeunes gens qui auront éprouvé des malheurs à l’examen d’entrée pour les classes de violon.


La classe d’alto va pourtant toujours garder une excellente réputation. Le même Pougin, dans le Ménestrel du 23 Juillet 1899, reconnaît à Laforge le mérite d’avoir su en faire une des meilleures de l’établissement et la mettre, pour la solidité de l’enseignement en état de rivaliser avec celles de violon et de violoncelle. Le 6 Juillet 1907, il note dans le même journal: Il suffit au plus indifférent d’assister à un concours d’alto pour se rendre compte de la valeur de l’instrument. Celui de cette année a été non seulement excellent mais particulièrement brillant et la classe de Laforge y a continué ses hauts faits habituels.


Quelques élèves de Laforge


Voici quelques personnalités de l’alto choisies dans la longue liste des élèves de Laforge, par ordre d’obtention du premier prix:


Frédéric Denayer (1878-1946): 1er prix en 1897, membre des quatuors Parent et Hayot, Alto solo de l'orchestre du Concertgebouw d'amsterdam.


Louis Bailly (1882-1974): 1er prix en 1899, membre de l’Opéra-comique, de l’Opéra, des quatuors Capet, Geloso, Flonzaley. Par son enseignement au Curtis institute de Philadelphie, il sera un des fondateurs de l’école d’alto américaine.


Henri Casadesus (1879-1947): 1er prix en 1899, quatuor Capet, Virtuose de la viole d’amour, animant à partir de 1901, la Société des instruments anciens. Auteur de pastiches (Concertos pour alto de J.C.Bach, de Haendel)


Maurice Vieux (1884-1951): 1er prix en 1902, alto solo de l’Opéra et de la Société des concerts du Conservatoire. quatuors Parent et Touche. Succède à Laforge comme professeur au Conservatoire en 1918.


Alexandre Roelens (né en 1881): 1er prix en 1904, quatuors Lucquin, Calvet, et Touche.


Pierre Villain (né en 1898): 1er prix en 1917, alto solo de la Société des concerts (1921- 49), quatuor Carembat et André Pascal.


Léon Pascal (1899-1970): 1er prix en 1918, quatuor ChailÎley (1917-1922) quatuor Calvet (1923-1940), quatuor Pascal, puis de l’ORTF (1941-1951), Professeur d’alto au Conservatoire (1951-69).


L’apparition de cet enseignement représente un événement capital pour l’alto français. L’action et la compétence de Théophile Laforge vont accélérer et installer définitivement la spécialisation et le professionnalisme des altistes et peu à peu une généralisation d’un enseignement officiel de cet instrument en France. Ainsi, L’impulsion donnée par le Conservatoire de Paris entraîne l’apparition de classes d’alto dans de nombreux établissements de Province. En 1897, on peut recenser des élèves altistes dans les conservatoires de Dijon, Besançon, Rennes, Nancy, Douai, Dunkerque, Le Mans et en 1914, une vingtaine d’établissements parmi les écoles succursales du Conservatoire et les écoles nationales de musique proposent un enseignement de l’alto.


Article de l'altiste Frédéric Lainé.

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