Rencontre avec Samuel Hengebaert, altiste et directeur du label Oktav Record & ActeSix, et Hélène Desaint chambriste et alto solo de Les Siècles, membres de la Société Française de l'alto.
Comment est née votre collaboration ?
Samuel et moi nous sommes rencontrés lors de nos années au CNSM de Lyon en 2006-2007. Un coup de foudre à la fois amical et artistique qui se traduit par l’amour de notre instrument, l'alto et la défense de son répertoire dans toute son amplitude, du baroque au contemporain.
Il reste en effet un pan totalement ignoré de la littérature pour alto, qui n’est ni connu ni joué et qui nous réunit aussi aujourd'hui.
En tant que directeur du label Oktav Record et d’ActeSix, Samuel a eu à cœur de défendre les couleurs de l’alto et son répertoire. On le voit dans la mise en valeur de cet instrument dans le catalogue du label mais aussi dans le disque Un lieu à soi sorti cette année où l’alto occupe une position prédominante.
Comment s'est construit le programme autour de l'alto dans le disque ?
Le programme est un hommage à la création féminine anglaise et s’est d’abord construit sur la musique vocale, tradition anglaise millénaire (choir, carols, ayres, etc) qu’on associe souvent au sentiment de mélancolie. Mélancolie incarnée par la tessiture medium, ou moyenne, une tessiture sans brillance, plus proche du timbre d’une voix de mezzo-soprano ou celui de l’alto.
Ainsi se développe pendant le XXè siècle, un répertoire inouï pour alto, associé d’abord à la voix comme les Three songs de Frank Bridge, Three english folk songs de Rebecca Clarke ou les Three Irish songs d’Ina Boyle mais aussi un répertoire plus soliste comme la Sonate pour alto et piano de Rebecca Clarke, A seasonal sequence de Phyllis Tate, A light at the end of the tunnel de Thea Musgrave.
L’alto est le relai parfait entre les différents instruments qui composent ces oeuvres, le passage entre la voix, le céleste et le terrien.
Comment avez-vous (re)découvert ce répertoire, notamment celui des compositrices ?
Il s’agit d’un vrai travail de recherche autour de manuscrits, une recherche d’abord autour d’un corpus, notamment grâce à la plateforme “Demande à Clara”, aux sociétés de musique qui défendent les compositrices en Angleterre (Rebecca Clarke Society, Ina Boyle Society, etc) et l’aide de certaines universités.
Par exemple, les manuscrits d’Ina Boyle sont conservés au Trinity College de Dublin, des manuscrits qu’il a fallu éditer et qui a pu renaître de ses cendres grâce à l’immense travail de notre copiste Caroline Lieby. Même chose pour le manuscrit de la Sonate pour alto et piano de Phyllis Tate, manuscrit détenu par ses enfants Colin et Celia, qu’il a fallu éditer, corriger, etc. avant de pouvoir défendre ses couleurs. Grâce aux conversations avec les descendants de Phyllis Tate, on a pu avoir accès à des anecdotes autour de Rebecca Clarke, qui venait dîner chez eux quand ils étaient petits. De fil en aiguille, nous avons tenté de construire une vraie filiation entre les premières compositrices du XVIIè siècle (Lady Mary Dering), et celles qui composent la musique pour alto de demain (Thea Musgrave, Cheryl Frances-Hoad, etc).
Est-ce que ces enregistrements sont inédits ?
La plupart sont des inédits voire aussi des premières interprétations en concert.
Par exemple, la Sonate de Phyllis Tate n'avait pas été jouée depuis sa création en 1977 à la radio britannique. Ou les pièces de Mary Dering qui n’avaient pas été encore enregistrées. On peut aussi parler de l’adaptation des pièces pour violon et voix de Rebecca Clarke qu’Hélène a su transformer pour alto et voix sans en altérer la substantifique möelle.
Est-ce que tout est édité désormais ?
Nous allons essayer de publier les éditions effectuées ou alors les mettre en open source. L'idée est de pouvoir offrir au public une possibilité d'accéder et de jouer toute cette musique.
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